En cette journée internationale des droits des femmes, j’avais envie de mettre en lumière les femmes méconnues du quartier de Vaise. C’est lors d’une balade urbaine organisée par Fil’Actions que j’ai pu personnellement découvrir qui était Marceline Desbordes ou encore Pierrette Augier… Des noms célèbres du quartier mais dont on ne connait pourtant pas ou mal l’histoire. Qui étaient-elles ? Comment ont-elles marqué l’Histoire ?
Ni une, ni deux, j’ouvre en grand la carte du quartier, je pioche les quelques rares noms de femmes qui courent le long d’une rue, une esplanade ou sur un bâtiment, et je vous invite à m’accompagner pour en apprendre davantage sur elles !
Laure Diebold, la résistante oubliée
Quand vous arrivez au niveau du parvis du TNG, une rue portant le nom de Laure Diebold part de la rue Tissot pour rejoindre le pied de la colline de la Duchère.
L’histoire de Laure Diebold, née Laure Mutschler, est digne des plus grands romans d’aventure. Le Général de Gaulle lui a d’ailleurs remis la haute distinction des Compagnons de la Libération de la France, et ce n’est pas rien ! Saviez-vous que sur 1 038 personnes qui ont obtenu cette décoration après la guerre, seules 6 sont des femmes ?
Retour sur une oubliée de l’Histoire…
Laure Diebold grandit et étudie en Alsace. Quand les Allemands envahissent l’Alsace en juin 1940, elle devient rapidement une résistante. Dès les premières heures, elle organise avec ses amis un réseau de passeurs. Le jour, elle est une parfaite secrétaire bilingue, la nuit elle aide les prisonniers évadés et les fugitifs recherchés par les nazis !
Quand elle est repérée par l’occupant et poursuivie par la Gestapo, elle quitte elle aussi l’Alsace allemande par son propre réseau et parvient à Lyon, cachée dans une locomotive. Elle y rejoint son fiancé Eugène Diebold qu’elle épousera plus tard.
Celui-ci, prisonnier évadé, la fait embaucher comme secrétaire au service des réfugiés d’Alsace-Lorraine.
Officiellement secrétaire, elle est en réalité recrutée par Londres, prend le nom de code de “Mado” et entre à la délégation de Jean Moulin. Elle obtient le grade de lieutenant et s’occupera de faire passer à Londres des messages qu’elle code.
En 1943, elle qui connait tout de l’organisation de la Résistance est arrêtée par la police allemande. Malgré les interrogatoires et les tortures, elle garde le silence et préserve les secrets de la Résistance.
En 1944, elle est tout de même déportée dans un camp allemand. Elle est gravement malade et promise au four crématoire. Là bas, un médecin tchèque modifie sa fiche à deux reprises et la sauve d’une mort certaine.
A la libération en avril 1945, elle retrouve son mari à Paris, lui aussi survivant de la déportation !
Elle revient travailler à Lyon à partir de 1957, à Lyon dans une entreprise où elle est successivement secrétaire puis bibliothécaire.
Elle décède en 1965, et sa tombe à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, porte la mention : « Morte pour la France. »
Quelle vie incroyable, vous ne trouvez pas ?
Pierrette Augier, maire du 9ème
J’ai découvert assez tard que le centre social de Vaise s’appelait en réalité le centre social et culturel Pierrette Augier. Si vous ne le saviez pas, voici une première info si vous habitez à Vaise!
Ensuite, Pierrette Augier est une figure majeure du quartier : elle a été élue maire du 9 ème arrondissement de 2001 à 2003, en succédant à Gérard Collomb.
Elle a œuvré en faveur du développement du quartier de Vaise et de la Duchère, en pleine mutation urbaine.
Le nom du centre social est un hommage à une femme qui a toujours œuvré pour le bien du quartier de Vaise.
Marceline Desbordes-Valmore, la poétesse maudite
Est-ce que le nom de Marceline Desbordes vous est familier ? Sachez que c’est le nom de la médiathèque du quartier, et oui !
Marceline Desbordes-Valmore est une écrivaine et une poétesse qui a inspirée Rimbaud et Verlaine. Elle est l’une des précurseurs de la poésie romantique, et pourtant son histoire reste assez méconnue…
Marceline naît à Douai en 1786 dans une famille d’artisans sur le point d’être ruinée par la révolution.
Quand Marceline a dix ans, sa mère quitte le foyer conjugal pour aller vivre avec son amant. Elle emmène la petite et lui fait découvrir le théâtre. Elles errent de ville en ville, assez proches de la misère.
En 1801, Marceline et sa mère embarquent pour la Guadeloupe pour recommencer une vie moins dure.
Elles arrivent en pleine épidémie de fièvre jaune et pendant l’insurrection contre le rétablissement de l’esclavage. Là bas, la mère de Marceline meurt de la fièvre jaune, et la jeune fille doit rentrer seule en France.
Elle reprend le métier d’actrice qu’elle va exercer pendant vingt ans. Elle enchaîne les relations amoureuses éphémères, qui donnent naissance à deux enfants illégitimes qui ne survivront pas. La vie n’est clairement pas douce avec Marceline et ce n’est pas pour rien qu’elle sera surnommée « Notre-Dame-des-Pleurs » en référence aux nombreux drames qui vont jalonner sa vie.
En 1817, elle rencontre un tragédien quelconque, Prosper Valmore, qu’elle épouse et avec qui elle aura quatre enfants. Un seul lui survivra.
Ils s’installent à Paris et elle fait la connaissance de Hyacinthe de Latouche. Hyacinthe est un écrivain romantique qui va la conseiller dans ses débuts littéraires. Il deviendra aussi son amant pendant de longues années et leur amour passionné hantera toute l’œuvre de Marceline, bien après leur séparation.
Malgré son instruction limitée, Marceline est une autodidacte et elle écrit dès 1819 des élégies amoureuses, des romances, des fables, des poèmes qui réinventent la façon d’écrire en vers libres et singuliers. De nombreux poètes viendront y puiser de l’inspiration comme Verlaine, Rimbaud et Aragon.
Marceline est une écrivaine appréciée et renommée dans le monde littéraire et théâtral, mais sa carrière est ralentie par de nombreux soucis familiaux et financiers. Et puis, le métier d’acteur de son mari lui impose de le suivre régulièrement en province, ce qui la tient éloignée de Paris. C’est ainsi qu’elle a séjourné à Lyon près de dix ans (1821-1823, puis 1827-1832, et 1834-1837). Elle assiste à cette période aux insurrections des Canuts, elle sera la seule poète à prendre publiquement la parole pour dénoncer la répression.
“Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire, j’écris pourtant” (Marceline Desbordes-Valmore)
Lina Crétet, la militante ouvrière
Vers Gorges de Loup, on peut aujourd’hui remarquer une esplanade qui porte le nom de Lina Crétet.
Elle se trouve à côté de la rue du Sergent Berthet, au niveau du campus René Cassin.
Symboliquement, elle se situe là ou s’étendaient les anciennes usines de la Rhodiacéta.
Lina Crétet a été une ouvrière de ses usines et une syndicaliste active de la Rhodiacéta.
Dans un livre « Il ne faut jamais se laisser faire », elle raconte ses années de lutte pour la culture ouvrière populaire, entre solidarité, engagement et syndicalisme au quotidien.
Elle a ensuite été conseillère municipale de Lyon.
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Outre ses femmes qui ont vécu ou marqué Lyon, il y a aussi des noms immensément connus dont on connaît pourtant mal l’histoire.
Comment ne pas parler de Rosa Parks dont le nom a été choisi pour nommer une longue avenue à la Duchère ?
Rosa Parks, la mère des droits civiques
Rosa Parks est bien sûr connue pour son geste de résistance pendant la ségrégation raciale aux Etats-Unis en 1955.
Son refus de laisser sa place à un homme blanc dans un bus est devenu un symbole, mais la réduire à ce geste serait invisibiliser son histoire à peau de chagrin.
Rosa Parks s’est très tôt engagée pour la cause noire et leurs droits civiques. Quand l’histoire du bus commence, elle est déjà militante depuis vingt ans. Elle lutte aux côtés d’autres leaders noirs masculins comme le révérend Martin Luther King. Sauf que lors des rassemblements, elle ne reste discrète et ne prend pas la parole. Martin Luther King lance alors une campagne de protestation et de boycott contre la compagnie de bus qui aboutira à la fin de la ségrégation dans les lieux publics.
Rosa Parks continuera elle aussi à s’engager contre la ségrégation raciale, aux côtés de Malcom X et contre chaque procès injuste qui va émailler les années 60 et 70 aux Etats Unis…
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En France, moins de 5 % des rues portent le nom d’une femme. Et quand elles le sont, leur histoire est souvent méconnue, oubliée, rarement apprise dans les manuels scolaires. J’espère vous avoir fait découvrir ou redécouvrir qui étaient ces femmes à la vie incroyable qui ont marqué d’une façon ou d’une autre l’Histoire…